La vocation ?
Une rupture fondatrice !

 

Eh oui ! On n’entre pas de plain pied dans la vie monastique ! Pourquoi ? Parce que c’est une vie de conversion. «Conversion», c’est quoi ce truc bizarre ? Ne moralisons surtout pas. Sinon, pas besoin de rupture, nous sommes déjà suffisamment moralisateurs en règle générale !

Regardons plutôt la Bible : tous ces convertis, depuis Abraham jusqu’à saint Paul, qui sont-ils ? Des gens «saisis» par Dieu. Saisis pour lâcher quelque chose, puis retourner dans la vie réelle avec un autre regard, un regard de compassion sur les hommes et la condition humaine. Pour cela, nous dit Saint Benoît, qui s’y connaît, il faut lâcher sa «volonté propre». La volonté propre, c’est quand toutes les choses partent de moi : j’ai de bonnes idées, de bonnes initiatives…, mais c’est moi, toujours moi, que je distribue aux autres avec un grand sourire, ou avec agressivité quand ma volonté propre est menacée ! C’est révélateur.

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La «communauté», toujours selon Saint Benoît, c’est le lieu où je trouve ma respiration de moine : je ne suis plus au centre. Et les choses vont se faire quand même, pour que ça tourne, et que ça vive, si possible en laissant Dieu distribuer sa charité à lui. Bien plus intéressant que «ma volonté propre à moi», pour faire grandir le Royaume de Dieu, non pas le mien. C’est un choix : celui de laisser quelque temps (jusqu’à la mort, et ça coûte parfois) mes propres choix pour laisser grandir autre chose qui vient et viendra encore, chaque jour, du Christ.

Le paradoxe, c’est donc que l’on entre dans la vie monastique par choix, mais que ce choix (avec ses obstinations !) tombe de lui-même à la porte quand on entre. Et comme on entre alors dans la «Vie», dit Saint Benoît, alors on trouve sa joie en se perdant. Et les frères sont forcément le lieu de cette joie, malgré ou avec les combats.

Banal, mais ça s’apprend. Donc, on entre, et puis on regarde, et puis on postule (de recevoir la miséricorde de Dieu au milieu de nos frères), puis, on prend un premier risque, celui de cette nouveauté de vie en Christ : un noviciat. Et puis finalement, eh bien, il faut professer cette foi et ce désir de se convertir toujours jusqu’au bout… jusqu’au jour que seul connaît le Christ !

Saint Benoît appelle cela une «oblation», parce que ce désir est posé sur l’autel du Christ, avec le désir du Christ de nous conduire à son Père. Et le vœu de saint Benoît est exaucé quand on y arrive ! «Tous ensemble», dit-il.

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L’oblat est une personne vivante, qui a connu dans son cœur ce que c’était qu’une oblation : il a le désir de vivre une obéissance à Dieu.

A la différence du moine en sa communauté, l’oblat ne va pas obéir à un abbé, car l’oblat vit dans les affaires du monde, de tous les jours et de tous les hommes. L’oblat est tout simplement quelqu’un qui veut obéir à Dieu comme le Christ, et qui a compris qu’il pouvait enraciner cette volonté personnelle dans le concret d’une communauté bénédictine : parce que là, on n’a d’autre propos (et l’on y revient sans cesse !) que d’entrer dans cette obéissance, que la Bible appelle «écoute», et où le Christ Jésus mettra tout son amour du Père.

Alors l’oblat va vivre, comme le moine, oui, pour le coup, c’est comme le moine qu’il va vivre ce propos de conversion continuelle, au sein même de son propos essentiel, existentiel, celui d’aimer.

Cela fait longtemps qu’il aime, sa famille, ses paroissiens, son Église… Un jour il lui est donné de comprendre qu’il y a dans telle communauté, maintenant, un appel pour lui à aimer, avec ses frères moines, et comme Saint Benoît a appris aux siens à aimer : c’est désormais sa façon à lui de s’approprier et d’offrir (oblation) à Dieu tout ce qu’il est, et sa façon d’aimer.

La communauté accueille cette volonté de l’oblat comme un cadeau de Dieu. L’oblature vient sceller institutionnellement cette reconnaissance mutuelle. Les uns et les autres savent qu’il y a d’autres façons d’aimer, d’autres notes possibles dans le grand concert de l’Alliance de Dieu. Pour eux, c’est le don qu’ils ont reçu de l’Esprit de Dieu. Grâce à Saint Benoît.

À l’abbaye d’Abu Gosh, il n’y a qu’une oblature pour les frères et les sœurs : parce que le trésor que nous portons ensemble est dans un vase tout petit. C’est donc ensemble qu’un maître et une maitresse des oblats veillent à maintenir vivant le lien entre les oblats et les frères et sœurs.